En retrait depuis deux ans, le sprinteur demeure ambitieux avant les championnats d’Europe qui débutent mardi à Zurich.
En 2010, Christophe Lemaitre, 20 ans, explosait au plus haut niveau en signant un triplé inédit en sprint (100, 200 et 4 × 100 m) aux championnats d’Europe de Barcelone. Médaillé de bronze mondial sur 200 m l’année suivante, le grand blond vit, depuis, une période plus difficile et n’est plus passé sous les 10 secondes sur 100 m depuis trois ans. Le recordman de France du 100 et 200 m (9’’92 et 19’’80) se croit pourtant capable d’un nouveau triplé cette semaine à Zurich.
LE FIGARO. - Comment vous sentez-vous avant ces championnats d’Europe ?
Christophe Lemaitre : Physiquement, ça va. Je n’ai pas eu de pépin physique depuis ma blessure en juin, une élongation ou une contracture. Un truc bénin, mais il a fallu que je lève le pied. Que quelques jours. On n’a pas perdu trop de temps.
Cet été, vous avez été convaincant sur 200 m, beaucoup moins sur 100 m. Où vous situez-vous ?
Après un 100 m pitoyable à Paris (dernier du meeting Areva en 10’’28, NDLR), je me suis rassuré lors des championnats de France, puis à Monaco et à Castres. Surtout sur 200 m. Je sais que je suis à un très bon niveau sur la distance (20’’08). Sur 100 m, ça prend du temps, mais les chronos descendent petit à petit. Il faut que ça descende encore à Zurich.
Ces mauvais temps sont-ils dus à vos problèmes récurrents au départ ?
C’est vrai que mon plus gros problème, c’est mon départ, ma mise en action. C’est dans les 10-20 premiers mètres que je perds le plus de temps. Mais des choses se sont mises en place à Castres (lors de son dernier 100 m avant Zurich, bouclé en 10’’13), j’ai senti de meilleures sensations, des choses intéressantes.
Voir que je suis en retrait, ça m’énerve un peu. Ça me fout la rage même
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Le départ a toujours été votre point faible, mais vous parveniez à aller vite. Pensez-vous avoir régressé dans ce secteur ?
Un peu, oui. Quand je courais plus vite, ce n’était pas un problème aussi important que maintenant. Mais je me suis tellement focalisé sur ces départs qu’un blocage s’est peut-être créé et fait que, maintenant, j’ai encore plus de mal. À l’entraînement, quand je faisais mes départs sans trop y penser, ça allait mieux. Il faut juste qu’en compétition je ne me concentre pas uniquement sur le départ mais sur l’ensemble de ma course.
Vous revendiquez être mauvais perdant. Comment vivez-vous vos difficultés depuis deux ans ?
Un peu mal, forcément. Car à chaque meeting, je vise la victoire et à abaisser mes chronos. Et voir que je suis en retrait par rapport aux meilleurs mondiaux sur 100 m, ça m’énerve un peu. Ça me fout la rage même !
N’avez-vous jamais envisagé de quitter Aix-les-Bains pour poursuivre votre progression ailleurs ?
Non. J’ai tout ce qu’il me faut ici pour travailler : une piste, une piste en herbe, un gymnase, une salle de musculation… Et je me sens bien ici, tout simplement ! Si je quittais Aix, je me sentirais mal. Et je ne pense pas que ce soit parce que je suis à Aix que je régresse. C’est autre chose.
Qu’est-ce qui vous manque alors par rapport à 2011 ?
(Il réfléchit.) Je n’ai plus l’insouciance de mes débuts. Je cogite peut-être plus. C’est ce qui fait que je ne suis plus aussi performant, je pense. Car, quand on est en course, on ne doit penser qu’à soi, pas à des détails techniques. La technique, on doit la travailler à l’en*traînement et ensuite l’exécuter automatiquement, en compétition. Comme Pierrot (Carraz, son entraîneur) l’a dit, je ne suis plus un gamin, je ne suis plus aussi insouciant. Et, des fois, c’est pénalisant.
N’y a-t-il pas également trop d’attentes autour de vous ? Cela vous pèse-t-il ?
Non, que les gens me regardent ou pas, je m’en fous. Personne ne va me mettre la pression sur un 100 m. C’est moi qui me dis : « Il faut que je fasse ci ou ça. » Des fois, à l’entraînement, je fais des trucs bien parce que je ne pense pas aux détails. Il faut que j’arrive à ça en compétition. Il faut que je pose mon cerveau et que je fonce sans me poser de questions.
Le doute s’est-il installé ?
Non, j’ai toujours confiance en moi. L’objectif de ma saison, c’est Zurich. Pas les meetings. Je me suis entraîné pour l’événement en pensant avoir fait la préparation la plus adéquate pour réussir. Si je ne suis pas bon à Zurich, là par contre, il y aura matière à se poser des questions…
Vous débarquez en favori sur 200 m, mais plus comme outsider sur 100 m. Est-ce une position qui vous plaît ?
Je n’aime pas me donner un rôle avant un championnat. Les chronos de la saison servent à savoir qui sera à surveiller, mais ça ne garantit rien. En grand championnat, les chronos ne servent à rien. L’objectif, ce sont les titres. Si je suis champion d’Europe en 10’’20, je m’en fous.
Vous avez clamé viser le triplé 100-200-4 × 100 m, comme en 2010. Seules ces trois médailles d’or vous satisferaient…
Mon objectif, c’est trois médailles d’or ! Je me suis entraîné dur toute la saison pour ça. Si je ne les décroche pas, je ne serai pas content. Je resterai sur ma faim.